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Channah Vinolas

Channah Vinolas

Jade au pied du ciel (Librinova)

C’est l’histoire d’une petite fille cambodgienne née dans une bonne famille, qui va connaître l’arrivée au pouvoir des Khmers Rouges. Alors sa vie (et celle de tous les siens) va être changée radicalement en passant de l’exode à l’exil, de l’expatriation à l’intégration dans son pays d’accueil.

  1. Des sources de Jade à l’exode

Dans la 2e moitié du 20e siècle, la plupart des familles cambodgiennes croyaient aux esprits et aux fantômes, afin de comprendre leur besoin fondamental et de donner un sens à l’inexplicable, tels que l’existence d’une autre vie après la mort et la présence des dieux et des déesses dans la vie des hommes, tout en apportant un réconfort moral d’antan (le Moyen Âge). Jade a vu le jour dans un environnement familial où cette croyance était fortement ancrée.

Le soir du 17 avril 1975, les Khmers Rouges envahirent la capitale et chassèrent Jade ainsi que toute sa famille, de sa maison avec des rafales de mitraillettes aux jambes, La capitale se vidait de leurs habitants. Tous les citadins de Phnom Penh étaient en exode massif.

Pendant cet exode, sa mère et sa petite-sœur nouvelle-née étaient très malades.

La première souffrait d’une dysenterie sévère, tandis que la dernière était mal nourrie et perdit malheureusement la vie. La mémoire de Jade resta non seulement marquée par les images de la maigreur insoutenable de sa petite-sœur, mais aussi par les images de vieillards abandonnés par leur famille, de corps sans vie gisant au bord de la rivière et d’explosions qui avaient causé la mort d’enfants.

De 1975 à 1979, on comptait environ 1,7 million de décès, ce qui représentait environ 21% de la population décimée.

  1. L’exil

Après la mort de sa fille nouvelle-née, le père de Jade décida de passer de l’autre côté de la frontière, dans son pays voisin, le Vietnam.

Malgré les difficultés de la vie, cette famille était confrontée au fait que le père, qui était étranger, ne pouvait pas trouver un emploi stable pour subvenir aux besoins de sa famille. Ainsi il faisait souvent face à des moments très difficiles pour son moral. Car même s’il ne fuyait plus des barbares de Khmers Rouges, il ne savait plus s’il était arrivé à destination, ou bien, s’il devrait encore aller plus loin. Il rêvait d’exterminer les barbares qui avaient ruiné sa vie et celle de sa famille, et devenir un héros. Il craquait et tentait d’abandonner sa famille, mais en vain. En revanche, il reposait les fardeaux qui lui incombaient, sur les épaules de sa fille Jade. Cette petite absorbait souvent les paroles cruelles de son père.

Durant l’exil, Jade, l’aînée de la fratrie et pilier de sa famille, ne pouvait pas aller à l’école. Elle se sentait souvent prise au piège et exploitée.

De plus, elle connaissait les problèmes de contraception de sa mère, ces tristes histoires d’adultes qui devraient être rigoureusement épargnées aux enfants, ainsi que les disputes de ses parents, qui empoisonnaient l’atmosphère familiale et la tourmentaient sans répit.

Alors, Jade attrapait les gouttes de bonheur quand celles-ci passaient à sa portée, comme apprendre à parler le vietnamien, ou encore, un dialecte chinois avec ses voisins, faire de la couture, fabriquer des cerfs-volants, des lampions, etc.

C’est ainsi qu’elle gardait l’espoir, même si elle sentait que son destin basculait pour toujours vers d’horribles épreuves comme celles d’être mal-aimée et d’être abandonnée. Elle priait fréquemment sa Déesse protectrice pour qu’elle vienne à son secours. Lorsque sa famille avait obtenu le VISA et les billets d’avion pour venir en France, elle avait l’impression que cette Déesse l’emportait à travers le ciel pour lui faire vivre enfin le destin qu’elle méritait.

  1. L’expatriation

Tout au début de son arrivée en France, la famille de la mère de Jade les accueillait avec bienveillance. Elle les amenait au Secours Catholique pour chercher des vêtements chauds. Jade était heureuse d’aller à l’école avec ses habits chauds. Cependant, rapidement, son père et ses cousins ne pouvaient plus se supporter. Son père se sentait vidé de toute sa dignité. Et l’histoire se répéta : le père de Jade abandonna sa famille pour aller solliciter de l’aide auprès de ses connaissances. Quelques mois après, il trouva du travail et ramena toute sa famille avec ses 5 enfants dans sa chambre d’étudiant, sous le toit d’un immeuble de Paris 16e arrondissement.

Avec le changement de domicile, Jade s’arrêta d’aller à l’école, encore une fois, son rêve fut brisé.

Par ailleurs, l’ambiance dans la famille n’avait pas changé, son père devint un tyran domestique qui en n’avait en tête que les sacrifices qu’il avait faits pour sortir sa femme et ses enfants du massacre des Khmers Rouges. Il continuait à proliférer les paroles rudes, sans cœur, envers Jade pour la moindre de ses contrariétés.

Jade se rendait à peu près compte que le comportement de son père influençait peu à peu les membres de sa famille à se conduire de la même façon, car personne n’osait contredire ce père nerveux et tout-puissant.

Elle se taisait, mais se jura qu’elle prendrait son temps pour préparer son départ afin de ne jamais revenir au foyer.

  1. L’intégration au début de sa vie adulte

Au fil du temps, Jade est devenue une adulte, mais elle se sentait très immature et ignorante à tous les niveaux de la vie, en raison d’un manque de relations humaines et d’échanges plus diversifiés. Malgré son intelligence et sa débrouillardise naturelle, son développement personnel était atrophié par un terrible manque de confiance en soi. Elle tomba dans les abîmes : un sentiment d’impuissance, de persécution, de solitude, de paranoïa, l’entraîna dans la dépression lorsqu’elle entama le début de sa vie professionnelle. Elle rentra dans une sorte de processus psychologique où l’on ne pouvait plus faire la différence entre la vraie vie et la vie inventée. C’était comme si Jade était Alice, tombée dans le gouffre et ayant découvert le pays des horreurs et d’absurdités, bien ironiquement appelé « Pays des Merveilles ».

Elle était un peu consciente de cela. C’est l’étape essentielle pour comprendre ce qui se passait en elle. Mais que faire ? Comment agir ?

Nous sommes bien conscients de la complexité de construire notre propre identité en jonglant entre différentes dimensions qui nous constituent comme Un :

  • la personnalité: les qualités et les défauts ; les caractéristiques physiques, biologiques et psychologiques différents ; son parcours etc.
  • le personnage: c’est un rôle social comme le bon père de famille, l’employé modèle, une femme exceptionnelle, etc.
  • la personne: elle est unique. Elle représente l’intériorité qui s’extériorise. L’homme libre est celui qui parvient à prendre du recul avec son personnage et en même temps, il est en relation constante avec les autres.

Jade avait toujours observé comment les gens de son entourage dérapèrent et basculèrent vers la pente de la « misérable condition humaine » provoquée par les barbares de la guerre civile (ou autres comme les vices, la perversité…). Ses ancêtres, ses parents croyaient au destin, donc à la fatalité (comme par exemple on ne choisit pas notre venue au monde). Mais Jade avait jusqu’ici refusé de croire que son destin vint la saisir. Elle voulait construire son avenir, être maîtresse de sa vie.

Elle avait seulement 2 moyens à sa disposition :

  • Prier son Bon Dieu ou sa Déesse pour venir à son aide : elle recevait ainsi un réconfort moral pour atténuer sa souffrance.
  • Chanter intérieurement pour chasser les pensées sombres de son esprit, comme pour réciter un mantra.

Néanmoins, cela ne suffisait pas. Il était impératif de subir une cure de sommeil dans un hôpital spécialisé en psychiatrie.

Après cette cure, elle se sentit forte et parvint à se tenir debout entre Terre et Ciel en chassant l’idée noire, celle qui la tannait : « si elle était condamnée à vivre une vie misérable sans valeurs de la noblesse humaine, causée par la bêtise des femmes et des hommes « moyens », elle aurait préféré se laisser mourir ».

Peu de temps après, elle fit une rencontre inattendue et inespérée de son futur époux. Ils décidèrent de fonder une famille et se marièrent assez rapidement.

Conclusion de l’auteure

J’ai réussi à écrire mes mémoires, mon autobiographie lorsque je suis parvenue à fouiller dans mon passé afin de comprendre ma vie présente.

C’est une question de transmission de traumatismes et de mémoires transgénérationnelles. Cette compréhension me permet de lever des blocages et de se débarrasser de certaines de mes peurs.

J’ai écrit ce livre avec mon cœur en cherchant la « vérité ». Cette écriture est libératrice car elle délivre tout le poids de la mémoire transgénérationnelle et du traumatisme vécu par la guerre civile que certains appellent le génocide cambodgien en raison d’un ensemble de massacres, d’exécutions et de persécutions ethniques et politiques.

Après un travail acharné sur moi-même, je parviens progressivement à pousser certaines limites de la mémoire transgénérationnelle.

La petite Jade dans ce livre, c’est moi !

 

L’auteure :

J’étais assistante sociale scolaire et secrétaire de la paroisse de Marines.

Retraitée, grand-mère d’une petite-fille de 4 ans, je suis bénévole au Secours Catholique de Marines (95) et à l’aumônerie de l’hôpital d’Aincourt (95).

Je suis aussi membre d’autres associations : atelier d’écriture, marche, etc.

Née à Phnom Penh (Cambodge) et j’y ai vécu jusqu’à 9 ans.

Je vis en France depuis 46 ans maintenant.

Habitée par la recherche de comprendre la relation humaine, après ma formation d’assistante de gestion, je bifurque vers celle d’assistante sociale. Afin de faire la paix avec moi-même et avec mon passé.

Revenir sur une tragédie, c’est ouvrir « une boîte de Pandore pour mieux libérer les maux ». C’est très douloureux mais nécessaire pour se reconstruire.


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